Grâce aux interventions de notre comité, de nombreuses
personnalités et instances politiques suisses se sont préoccupés
du sort de M.Ha Si Phu. Ainsi , le parti Démocrate-chrétien
genevois et la Ville de Genève ont invité l’écrivain à venir en
Suisse. Ci-après l’extrait de la lettre de la Ville de Genève du
13 juin 1997
Ville de Genève
CONSEIL ADMINISTRATIF
Cher Monsieur,
C’est avec un grand soulagement que nous avons appris, par
l’intermédiaire du Comité Suisse-Vietnam, votre récente
libération, après plusieurs mois de détention.
Votre engagement personnel en faveur de la liberté d’expression,
ainsi que votre renommée littéraire, soulèvent notre admiration
et méritent d’être largement soutenus.
Pour ces raisons, le Conseil administratif serait heureux de
vous inviter officiellement à Genève, siège de plusieurs
organisations internationales et non-gouvernementales qui
œuvrent pour la paix et le respect des droits de l’homme. Si
nécessaire, la ville de Genève pourra assumer vos frais de
séjour.
Nous espérons vivement pouvoir vous recevoir prochainement dans
notre ville lors d’un de vos prochains voyages en Europe et,
dans l’attente de vos nouvelles, nous vous prions de croire,
cher Monsieur, à l’assurance de notre considération distinguée.
Le
secrétaire général: Jean Erhardt
Le
Maire: Michel Rossetti
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Ville de Genève
CONSEIL ADMINISTRATIF
Cher Monsieur,
C’est avec un grand soulagement que nous avons appris, par
l’intermédiaire du Comité Suisse-Vietnam, votre récente
libération, après plusieurs mois de détention.
Votre engagement personnel en faveur de la liberté d’expression,
ainsi que votre renommée littéraire, soulèvent notre admiration
et méritent d’être largement soutenus.
Pour ces raisons, le Conseil administratif serait heureux de
vous inviter officiellement à Genève, siège de plusieurs
organisations internationales et non-gouvernementales qui
œuvrent pour la paix et le respect des droits de l’homme. Si
nécessaire, la ville de Genève pourra assumer vos frais de
séjour.
Nous espérons vivement pouvoir vous recevoir prochainement dans
notre ville lors d’un de vos prochains voyages en Europe et,
dans l’attente de vos nouvelles, nous vous prions de croire,
cher Monsieur, à l’assurance de notre considération distinguée.
Le
secrétaire général: Jean Erhardt
Le
Maire: Michel Rossetti
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Le Cosunam estime que soutenir un écrivain comme Ha sI Phu est
l’occasion de faire comprendre aux derniers idéologues du parti
communiste vietnamien la voix de la raison et de la liberté dans
une dialectique qui leur est familier .
Dans ce sens, les écrits de Ha Si Phu mérite sinon l’adhésion
tout au moins notre respect et notre attention.
L’interview clandestin qui suit nous fait mieux comprendre la
situation et la personnalité de Ha Si Phu.
Le
Comité Organisateur (CO) : Pourriez vous nous parler des conditions de
vie des opposants emprisonnés ainsi que leurs familles ?
Ha
Si Phu (HSP)
: Dans la logique normale, au moment où la Constitution du
Vietnam reconnaît le droit à la liberté de pensée et le droit
d’être informé du citoyen, pour tous les cas que j’ai connus,
ces personnes sont innocentes.Cependant, avec la façon actuelle
d’appliquer la loi de l’Etat comme de tout autre pays dit
socialiste, il suffit de penser, parler, écrire autrement ou
différemment du Parti pour se retrouver face à un motif
d’inculpation, dans un système qui place le délit ‘’d’opinion’’
comme une atteinte grave à la sécurité de l’Etat.
Tout le monde sait que l’implication dans un tel crime signifie
....sans délai : l’existence de l’intéressé est considérée comme
terminée, même vivant, il ne peut rien faire, quoique cette
punition soit écrite ou non, mais la punition non écrite est
plus importante, parce que le système d’administration s’est
basé sur une idéologie pour déclarer qu’il détient directement
le pouvoir de façon générale et absolue.
Ce
système possède une méthode très subtile pour administrer l’être
humain grâce à la gestion de l’identité, de la nourriture, des
relations et des conditions de subsistance. Comme moyens, il
existe la gestion par la police, par les services de
l’information, par les organes annexes du parti dans la région,
par des gens qui désirent apporter leur concours aux gens du
pouvoir afin d’être admis dans le système, puis la gestion de la
masse. Avec un tel réseau, le cadre ou le citoyen, que je
qualifie de ‘’non fidèle à la religion’’, c’est-à-dire qui
s’exprime contre Marx et Lénine, ne peut jamais s’échapper, avec
leur famille, de l’étau dressé par ce système immuable ; celui
qui, avant de tomber en défaveur, avait une maison ou un peu de
fortune privée, peut encore survivre , tandis que celui qui dès
l’origine était défavorisé dans la dispute des pouvoirs et
profits, doit faire face à des difficultés insurmontables.
CO : Quel est votre impression en apprenant l’existence de la
campagne ‘’ Nous ne n’oublions pas ’’ visant à soutenir ceux qui
luttent pour la liberté et la démocratie au Vietnam ?
HSP
: A mon avis, le fait de s’intéresser à la patrie, de vouloir
faire de tel sorte que notre Vietnam ne cède en rien aux autres
pays est le droit de chaque Vietnamien, qu’il soit à l’intérieur
ou à l’extérieur du pays. En même temps, c’est aussi un devoir
auquel personne ne peut s’opposer. Personnellement, j’apprécie
beaucoup l’initiative qui crée cette campagne. Les vietnamiens
vivant loin de la patrie l’aiment tous. Mais je sais que la
compréhension réciproque entre ceux à l’intérieur et à
l’extérieur du pays reste à présent limitée à cause de la
restriction de l’information, toutefois, je pense que ce fait ne
peut nous empêcher de nous révéler nos idées.
Je réfléchis justement au Secrétaire Général du Parti Communiste
Vietnamien Do Muoi lui même qui a déclaré qu’il faut ‘’passer
par dessus les divergences’’ pour adopter l’objectif commun
comme point identique ! Je pense que les gens ordinaires et
innocents que nous sommes n’ont rien fait pour être inquiétés,
c’est pourquoi, malgré la méconnaissance mutuelle des détails
entre nous, rien ne peut nous en empêcher, nous pouvons nous
entretenir sur des sujets d’utilité publique. Néanmoins, je
pense qu’il ne suffit pas d’avoir une volonté et un courage, car
le résultat dépend de la méthode employée. Entre des gens de
bonne volonté, le fait de s’entraider en sentiments et en
paroles est pour moi très précieux. En somme, je suis enchanté à
propos de cette campagne et reste dans l’attente des bons
résultats des mouvements dont nos compatriotes à l’étranger
prennent l’initiative.
CO : Pendant votre internement, votre famille a-t-elle eu des
problèmes avec les autorités ?
HSP
: Le cas de ma famille ne fait pas d’exception avec la règle
générale dont j’ai déjà abordé, c’est-à-dire qu’elle subit le
même sort que les familles ‘’non fidèles à la religion’’, mais
pour nous, nous acceptons de bon cœur les circonstances de notre
existence et n’avons rien à parler de nous. Cependant,
j’aimerais m’étendre un peu sur le côté intellectuel ayant trait
directement à mes écrits et à mon procès. Je pense que j’ai plus
de chance que MM. Hoang Minh Chinh, Nguyen Kien Giang, Nguyen
Huu Dang, Phung Cung à l’époque, du fait que mes articles,
qu’aucun ouvrage ou magazine n’a osé publier, ont été lus par
des cadres, des membres du parti et des intellectuels qui, d’une
manière ou d’une autre, ont exprimé leur soutien, à tel point
que même un ami membre du parti, instruit et occupant une
fonction officielle importante ma confié :’’ Si vous écrivez de
telle manière que notre pays abandonne définitivement son masque
marxiste et léniniste, ce serait un grand bonheur pour le
peuple’’. Cela me réjouit, mais le nombre de gens qui comprend
cela n’occupe qu’une place infime parmi les 70 millions
d’habitants, tant de documents officiels me critiquant
publiquement, tant de conférences où l’on m’insulte ouvertement.
Malgré les débats où il n’y a pas d’interlocuteur, le régime a
fait intervenir la police et c’est pourquoi je fus arrêté.
Naturellement, pas mal de gens, se référant à ces informations
en sens unique ou d’autres plus avisés mais craignant d’être
impliqués, s’éloignent de moi. Durant une année où j’étais en
prison, ma femme a beaucoup peiné ; non seulement elle dut se
rendre au Nord, alors que sa petite auberge à Da Lat, fermée
pour la circonstance, ne rapporta rien, que chaque trajet par
avion coûta nos deux mois de pensions, mais encore, arrivée dans
la capitale, elle déplaça souvent son lieu de séjour, n’osant
pas et ne voulant pas se fixer dans un seul endroit.
Jusqu’à ce jour j’ignore la suite de cette affaire et j’ai perdu
beaucoup de lettres que mes amis m’avaient adressées. Mon
ordinateur, l’armoire renfermant les produits chimiques et mes
expériences biologiques restent toujours scellés. Telle est ma
situation . Mais, nous essayons de passer par dessus tous les
événements que je viens de rapporter pour vivre calmement, dans
l’amour de l’être humain et de la vie. |